Lettre

De : Madeleine Vérillotte, à Tours

À : Aristide Beslais, incorporé à Montluçon

Date : 25 avril 1917

Mon chéri, ce que tu me dis ce matin de cette première visite du médecin m’a fait plaisir. J’espère qu’on ne te gardera pas longtemps. Si tu dois être mis de l’auxiliaire il vaut mieux que tu y sois vite. J’ai tant besoin de ta présence. La maison est si grande sans toi.

Mme Chana est venu. Elle dit que son beau-frère est en plein déménagement. Il a dû même prendre une permission.

Ici, rien de neuf. Hélène est un bébé très calme qu’on n’entend pour ainsi dire pas et qui tette bien. Née en pleine guerre, elle a un air pacifique réjouissant. Quant à Tito, à ce monstre de pensionnaire, tu le connais : goinfre, carottier, il allie Panurge à Pantagruel. Je suis tout de même bien heureuse de la voir manger ainsi, c’est une telle garantie de santé pour plus tard. Quant à son vice, je lui achèterai les revues morales dès qu’elle saura lire (si tu la voyais lire tes lettres en remuant les livres). On l’a trouvée hier grimpée sur le fauteuil. Elle l’avait approché de la cheminée et elle tâchait d’introduire la clef de la pendule dans les trous, avec des velléités de tourner les aiguilles. Je crois qu’on peut dire adieu à la pendule de nos ancêtre. Devant nos cris elle a répondu avec flegme : tu m’adaces ze monnte la padule.

Tout le monde t’embrasse fort.

Madeleine