Lettre

De : Madeleine Vérillotte, à Paris

À : Marguerite Beslais, à Cahors

Date : 13 mars 1946

Mon chéri,

Je viens d’étriller les poulets [les enfants d’Hélène] à l’eau de Cologne et les mettre bien propres pour l’arrivée de leurs parents ce soir. Tout cela est astiqué mais il n’est que 4h et il y a loin d’ici 8h½. La transformation en ramoneurs a largement le temps de se faire. Le ministère a avisé ce matin que depuis avant-hier ton père est chargé de mission au ministère, et qu’il est libéré de toutes ses matinées au lycée. Ce qu’il avait demandé. Le recteur a été avisé avant-hier. Reste la notification officielle. Il était temps. Il avait vraiment beaucoup de travail. Nous avons mangé des côtelettes de porc à midi et le reste est pour les ours de soir. Elles sont délicieuses. Mebe a acheté un poste de TSF, 10 500 F, avec toutes les ondes. Je te demanderai de garder le silence sur la nomination de ton père. Il sera temps que cela se sache quand cela paraîtra à l’Officiel. À ce moment-là, les élections seront proches et l’éphémère fonction sur sa fin.

Reçu ton amusante lettre hier soir faite armée du dictionnaire. On ne peut pas dire que tu sois illettrée puisqu’au contraire tu mets parfois deux lettres pour une dans un mot. Mais si tu étais à Paris, tu pourrais suivre des cours du soir (pas comme Germaine !). Il y a des instituteurs excellents et dévoués qui repêchent ainsi les analphabètes. Lu un délicieux roman anglais : Mr Bunting. Peya l’a dévoré ! Sur tout cela même de nos jours planent l’observation et la sensibilité de Dickens. Du coup j’ai écrit une longue lettre à Eileen (sans parler littérature mais les Anglais m’emballent).

Je t’embrasse de tout mon cœur,

Mémé