Lettre
Mon loulou aimé,
Le facteur, décidément, ne vient pas le dimanche apporter l’Humanité. Aujourd’hui fête, il n’est venu. Ce n’est qu’à cette chose-là que j’ai bu que c’était fête. Je suis restée toute la journée avec la Mimie, qui passe son temps à mordre son chat, à regarder par la fenêtre, et aussi à grogner après son vaccin. Pour le moment, elle dort et j’en profite. Je la regarde, et je voudrais te la décrire. De ce moment, la fièvre l’a fait un peu couler et ses grosses joues de bébé ôtées, on la voit telle qu’elle sera plus tard. Le front est très haut, je nez est court et les narines sont relevées : un nez très petit et très rigolo. Un de ces petits nez où il pleut dedans. La bouche a une courbe délicieuse. La lèvre supérieure proéminente avec une jolie courbe et un menton très fin, ni trop court, ni trop long, avec un admirable dessin. La forme de la figure est la tienne, une figure fine, à la fois courte et allongée. Et telle que je la vois là, endormie, telle je me représente la petite Noémie. La bouffissure des paupières disparaissant chaque jour davantage, elle a des yeux superbes, si rares que, de tous les bébés, je n’en ai pas vu de semblable ; ce qui en augmente la beauté, ce sont des cils qui n’en finissent plus, longs et noirs. Chavaillon trouve qu’elle te ressemble absolument. Il suffit qu’on te connaisse pour dire ça. Je t’ai déjà dit ce que Mesdames Németch, Valade, m’en avaient dit. Mais, quand on ne te connaît pas, on trouve que c’est mon portrait frappant. Je voudrais bien que tu la voies.
Quand donc cette horrible chose sera finie ? Tes lettres se fond plus rares, et de plus en plus, j’ai le désir de te voir, de t’entendre, de t’aimer, et de te donner le cher petit fruit de notre amour. Tout est morne, et le printemps lui-même ne parvient pas à nous faire sourire. Te voir, me promener à ton bras, vivre enfin ! et ne pas être ensevelie dans ce deuil perpétuel ! Quel rêve ! Et comme nous ne paierions jamais assez sa réalisation pleine et entière !
Courage Mimi. Je t’aime.
Made.