Lettre
Mon chéri,
Je suis encore sur le coup de la terrible nouvelle d’hier. Pauvre petit Maurice ! J’ai écrit une courte lettre à Henri et à Jeanne. Je leur explique que j’ai à peine ton adresse et que je ne peux pas te faire parvenir la nouvelle rapidement. Car Henri t’avait envoyé cette dépêche avec l’espérance d’avoir quelqu’un de sa famille près de lui. Pauvre Henri. Ces pneumonies sont du reste une sorte d’épidémie de ce moment car au lycée un des petits Giraux, l’un des J… (tu sais ces petits garçons qui avaient perdu leur père et que nous rencontrions le dimanche) en est mort et l’autre agonise à l’infirmerie. Mme Fouché qui est venue me voir m’a dit que les médecins pensent que les enfants prennent cela des soldats : Kabyles ou autres.
Ici les enfants vont parfaitement. Tito mange toujours beaucoup et Lène grossit à vue d’œil.
Pour moi, tantôt je me suis levée pour déjeuner mais je suis bien attristée. Pauvre petit bonhomme, c’était notre neveu préféré, le seul qui soit vraiment Beslais. Comme je sais que c’est pour toi presque un fils je voudrais bien que tu sois là pour te consoler un peu. Je suis navrée de savoir que tu vas recevoir cette nouvelle étant seul.
Ah ! si je pouvais, moi aussi, avoir un petit Maurice dans quelque temps, comme j’attendrais peu !
Enfin notre Lène pousse comme un chou, on ne l’entend pas de la nuit. Il est vrai que ce monstre est à demeure sur mon lit. Mais comme cela elle ne pousse un ouf. Elle tette comme porc lui-même.
Tito fait l’admiration de sa mémé qui le lui dit un peu trop. Monstre fait ce qu’il veut et en abuse. Quand je reçois tes lettres, elle s’installe dans le fauteuil et les lit en remuant les lèvres (adorable).
Écris-moi et dis-moi bien ce que Messieurs les médecins diront.
Baisers de tout le monde. Je te bise partout.
Madeleine
Dans cette lettre, elle ne voit pas l'ampleur de la terrible épidémie de grippe espagnole qui était dissimulée par la censure