François Boutet

Pas de photos

Parents : inconnus

Épouse : Catherine Fumard (née en 1816)

Enfants : François, Catherine, Marie, Jean


Général

Naissance : 1824 à Saint-Branchs

Mariage :  date inconnue

Décès : date inconnue

Profession : paysan


Histoire

Avec sa femme, ce sont des paysans de Saint-Branchs, une campagne près de Tours. Dans l’état-civil, le père est déclaré journalier (ouvrier agricole). C’est une branche rustique, seule Catherine part à la ville.

Citation des Mémoires d’Aristide Beslais, leur petit-fils (fils de Catherine) :

J’ai conservé de mes grands-parents maternels un souvenir très net. Ils ont l’un et l’autre survécu à ma mère [Catherine, morte à 51 ans en 1900]. Je les connaissais moins bien que mon frère et ma sœur qui, sensiblement plus âgés que moi (l’un de quinze ans, l’autre de douze ans) avaient souvent, dans leur enfance, passé des vacances à Saint-Branchs. Je n’ai, moi, rencontré mes grands-parents que dans leur extrême vieillesse. Mais l’image que j’ai gardée d’eux ne s’est pas effacée. Je revois mon grand-père à l’âge que j’ai maintenant [environ 80 ans], de taille moyenne, bien droit et sec, l’air sérieux et l’œil intelligent, revêtu de la blouse bleue traditionnelle héritée de la blaude des Gaulois. Je revois ma grand-mère, courbée en deux par les travaux des champs, et qui apparaissait, au jeune villotin que j’étais, comme une petite vieille d’un autre monde. Il n’y a pas de patois en Touraine, et les Tourangeaux en sont assez fiers, et c’est avec un accent du terroir où vibraient les r qu’ils s’exprimaient à peu près dans la langue de Rabelais, au point qu’on peut se demander s’ils n’étaient pas plus proches du XVIe siècle que de notre époque : songez qu’ils ne connaissaient ni l’électricité, à peine la bicyclette, dont ils se méfiaient, qu’ils habitaient une authentique chaumière, à toit de vraie chaume, une seule pièce avec au fond deux grands lits enfermés dans leurs rideaux, sur l’un des côtés la grande cheminée à crémaillère, où était suspendue une lourde marmite de fonte, noire de fumée, de l’autre côté était la maie (ils disaient avec raison mait, en faisant sonner le t), la maie où l’on pétrissait la pâte, où l’on conservait le pain et les nourritures, comme sans doute le faisaient déjà les Turons au temps de Vercingétorix et de Jules César. Je voudrais tant, avant la fin de mes jours, revoir la petite chaumière et la mare qui en était proche, et la grange où j’ai dormi.

Autre passage :

Bah ! Mes grands-parents maternels, dans leur petite chaumière de Cottereau, dans cette chambre unique avec sa grande cheminée, ses deux lits, sa longue table et ses bancs, dans cette chambre de l’ancien temps, où l’on accédait par deux pierres superposées et mal jointes, je suis sûr qu’ils avaient passé une vie heureuse. Pendant trois quarts de siècle ils avaient travaillé de l’aube au couchant : ma grand-mère marchait courbée, comme cassée en deux, pour avoir usé sa vie dans les travaux des champs. Et quatre enfants étaient nés dans ce grand lit, enclos à l’intérieur de ses grands rideaux.

Oui je suis persuadé qu’ils ont eu leur part de bonheur. Quand je les ai connus ils étaient très vieux, et ils m’inspiraient du respect. Non pas qu’ils fussent rébarbatifs. Mais ils riaient rarement. Graves ? Non, mais sérieux. Conformément à un usage millénaire, ils vivaient dans une sorte de retraite : car ils avaient procédé, l’âge venant, au partage de leur bien entre leurs enfants. Les trois qui étaient restés aux champs s’étaient réparti les terres, et ma mère avait reçu sa part. Le tas de louis que j’avais vu répandre sur notre table était-il la totalité ou le complément de son héritage ? Je ne l’ai jamais su mais, à coup sûr, il en représentait la plus grande partie : ces pièces d’or, comme les «pièces de terre», avaient été, au cours d’une longue vie, acquises sou par sou et parcelle par parcelle : c’était le produit d’un labeur opiniâtre, de l’aube au coucher du soleil, et d’une économie –ou d’une lésine– qui étaient les buts même de leur existence.

Honnêtes, assurément, jusqu’au scrupule, bons voisins, en dépit de rancunes héréditaires. Et si dignes dans leur vie familiale ! Mais d’une âpreté incroyable à défendre leur petit domaine et les quelques louis qu’ils économisaient chaque année. Le «bas de laine» n’était pas un vain mot ! «Un sou est un sou», c’était une petite phrase que j’ai entendue souvent dans mon enfance. Et c’est sou par sou que Jacques Bonhomme s’est affranchi de son Seigneur.

Non, je ne les renie pas. Et comment pourrais-je les renier ? Je me sens si proche d’eux dans les profondeurs de mon être ! Et je les aime ! Je n’oublierai jamais mon grand-père et ma grand-mère tels que je les ai vus pour la dernière fois : c’était à l’enterrement de ma mère et j’étais encore un enfant : ils m’intimidaient par leur gravité, et, je répète le mot, par leur dignité. Ils avaient été frappés par la mort soudaine de cette fille aînée, séparée d’eux depuis son enfance, mais toujours aimée. Ils ne lui survécurent que peu de temps.

Il en parle aussi dans une lettre :

Les vacances de Saint-Branchs, la diligence du père Meunier, une énorme guimbarde peinte en jaune. Avec un caisson derrière où s’entassaient les voyageurs pour Vergné, Monbazon, Saint-Branchs, en général nous faisions ce voyage qui durait au moins trois heures (car le père Meunier était qui était en même temps messager déposait à tous les relais une caisse de hareng, ou des chandelles, ou de la morue), comme il faisait nuit quand nous arrivions dans ces patelins les bonnes femmes sortaient avec leur chandelle et Henri et moi chantions les blés à tue-tête, car nous étions des privilégiés, nous voyagions à côté du père Meunier sur le devant de la diligence sous le gros tablier de cuir. À notre arrivée à Saint-Branchs nous trouvions l’oncle François ou le grand-père qui nous attendaient et nous faisions allègrement les 1800 mètres qui nous séparaient de Cottereau. Ma grand-mère courbée presque à angle droit, dans le coin de sa grande cheminée avec à la main un paquet de javelles qu’elle fourrait dans le feu à notre arrivée, et qui frétillait et flambait pour faire l’omelette au lard dans sa poêle à grande queue, la source dans la soupière de caillou brun. Une bonne salade au fromage de bique et des fruits, quel régal. Une petite flambée qui éclairait la pièce, le lit à baldaquin, le dressoir avec ses assiettes fleuries, la maie et la table devant la fenêtre, souvent garnie de poires, pommes, noisettes. Le lendemain au petit jour on entendait sa hotte, la grand-mère qui allumait le feu et suspendait la marmite à la crémaillère pour faire cuire la soupe au chou et au lard, avant d’aller au champs dès que nous étions levés. Henri couchait dans la chambre de l’oncle François qui était un vieux garçon. Il y avait pendu aux couches de vieux chapeaux contenant des noisettes, des allemandes comme disait ma grand-mère, et des noix.

Ensuite nous allions voir ma tante Marie, l’oncle Désiré et les cousins Marie et Henri. Je me souviens qu’il y avait sur la table, trônant sur une assiette à fleurs, une énorme poire William encadrée par deux globes de verre contenant des fleurs artificielles. Mon frère Henri était assez gourmand, il regardait la poire William, si tu y touches mon papa te battra ben battu, et la poire a pourri dans son assiette à fleurs.

C’était la première partie des vacances, nous retournions à Tours. Et je revenais avec ma sœur Noémie. Comme elle était assez délicate, mon oncle François la portait sur ses épaules pour faire le trajet de Saint-Branchs à Cottereau. Elle était très sensible et pleurait toujours. Quand nous étions couchés j’essayais de la consoler, et ma grand-mère qui l’entendait lui apportait quelques pruneaux et un petit morceau de sucre en lui disant «mange ça ma drollière faut pas pleurer». Cette petite Noémie quelle femme remarquable elle aurait fait.

Oui tout ça s’est déroulé avec beaucoup d’autres anecdotes de ma jeunesse.